Retour aux news

Les démocraties européennes : de réelles démocraties ?


16 Avr 2024
Les démocraties européennes : de réelles démocraties ?

La démocratie est devenue le système politique de référence en Europe. Depuis l’effondrement de l’URSS en 1991, les pays européens ont progressivement évolué vers ce système. Aujourd’hui, chaque pays du continent est une démocratie. Mais, est-ce vraiment le cas ? Faisons le point.

Qu’est-ce que la démocratie ?

Si nous commençons par une définition simple, la démocratie est un système de gouvernement dans lequel les habitants d’un pays peuvent voter pour élire leurs représentants, selon le dictionnaire Oxford. À cet égard, oui, tous les pays européens sont démocratiques. Mais les élections sont-elles justes lorsque le pluralisme politique, la liberté de la presse et la liberté d’expression ne sont pas garantis ? En d’autres termes : Est-il possible de faire un choix lorsque ce choix n’est ni libre ni éclairé ?

Fondamentalement, pour être démocratique, un État doit assurer le pluralisme politique, la liberté de la presse et la liberté d’expression, et donc garantir les droits civils et politiques. C’est dire l’importance du lien entre la démocratie et l’État de droit. Dans sa forme la plus simple, l’État de droit signifie que « personne n’est au-dessus de la loi ». Pour que l’État de droit soit efficace, il faut qu’il y ait égalité devant la loi, transparence du droit, indépendance du pouvoir judiciaire. En fait, l’État de droit garantit les droits fondamentaux. C’est pourquoi, en 2012, les Nations unies ont déclaré que « les droits de l’homme, l’État de droit et la démocratie sont interdépendants et se renforcent mutuellement ». Ainsi, la démocratie peut être définie comme un régime politique où le peuple peut voter pour élire ses représentants et où les droits politiques et civils sont garantis.

Le populisme : un mouvement politique qui menace la démocratie

Ces derniers temps, ces droits ont été sérieusement menacés dans plusieurs « démocraties » européennes. La montée du populisme y est notamment pour quelque chose. Le populisme est un courant idéologique et politique qui peut être difficile à appréhender, car il en existe de nombreuses définitions complexes et vagues. Cependant, les partis qui se réclament du populisme, ou qui sont accusés de l’être, prônent le protectionnisme, le nationalisme, la démocratie directe et prétendent « défendre le peuple contre les élites ». La plupart des mouvements populistes européens ont également en commun de rejeter les modèles politiques traditionnels.

Les causes sous-jacentes de la montée du populisme sont complexes et varient selon les pays. Cependant, ils existent des ressemblances : une situation économique et sociale incertaine, le mécontentement du peuple face à des pouvoirs politiques perçus comme des élites détachées des problèmes quotidiens de la population, le sentiment de ne pas être assez bien représenté et la demande d’une participation plus active des citoyens à la vie politique. Les populistes « surfent » donc sur cette vague de mécontentement populaire, avec des discours qui reprennent ces critiques et haranguent la foule. Ils considèrent que la démocratie représentative fonctionne mal et ne tient pas ses promesses. Ils prônent une forme de démocratie plus directe, dans le supposé but de « rendre le pouvoir au peuple ». Cet argument est notamment utilisé pour légitimer des réformes anticonstitutionnelles. Ainsi, le populisme affaiblit la démocratie, par des réformes qui en limitent l’exercice, telles qu’en restreignant la liberté de la presse ou le pluralisme.

La revendication hongroise d’une « démocratie illibérale »

En Hongrie, Viktor Orban, le Premier ministre et figure importante du mouvement populiste, poursuit depuis des années une politique visant à limiter l’exercice de la démocratie dans son pays : multiplication des attaques contre la liberté et la pluralité de la presse, réforme de la Cour Constitutionnelle et affaiblissement de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Les chaînes publiques sont sous les ordres de l’exécutif, alors qu’il y a une forte concentration dans l’actionnariat des médias : les 18 titres de la presse régionale sont tombés, en l’espace d’un an, entre les mains des proches de Viktor Orban. La réforme de la Constitution de 2011 a enlevé une grande partie de ses prérogatives à la Cour Constitutionnelle. Elle ne peut plus se prononcer sur le contenu d’une révision de la loi fondamentale, essentielle pour assurer le respect des droits et libertés fondamentaux. En outre, la nouvelle procédure de nomination des juges de la Cour Constitutionnelle a renforcé l’influence du gouvernement sur sa composition et remis en question l’inamovibilité des juges. (L’inamovibilité des juges signifie qu’ils ne peuvent recevoir une nouvelle affectation sans leur consentement, même en cas d’avancement. C’est l’une des clés de l’indépendance de la justice.) Dès septembre 2022, le Parlement européen a déclaré que la Hongrie ne pouvait être considérée comme une démocratie à part entière. 

Viktor Orban conteste cette idée et, au contraire, croit à la mise en œuvre d’un modèle différent de démocratie. En fait, il fait référence au concept de démocratie illibérale, qu’il considère comme un moyen de dissocier le libéralisme politique, qu’il rejette, de la démocratie. Une dissociation qui semble impossible. Ainsi, Luuk van Middelaar, philosophe et professeur de droit européen à l’Université de Leiden, a décrit la Hongrie, en 2018, comme une « dictature électorale ». En outre, Amnesty International a compilé un rapport sur la situation désastreuse des droits humains en Hongrie en 2022 : discrimination à l’égard des personnes LGBTQ+ et des Roms, revers majeurs pour les droits sexuels et reproductifs des femmes, et bien d’autres. 

Selon l’indice de la démocratie de l’Economist Intelligence, publié en 2024, la Hongrie n’obtient que 6,72 sur 10 et tombe dans la catégorie des « démocraties imparfaites ». Mais la Hongrie n’est pas la seule « démocratie imparfaite ». En fait, sur les 27 pays de l’Union européenne, 14 sont des démocraties imparfaites. Le Portugal, la Belgique, la Croatie, la Slovénie, la Roumanie, la Bulgarie, la Pologne, la République tchèque, l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie, la Serbie, la Slovaquie et la Hongrie sont toute considérés comme des démocraties déficientes selon l’indice.

La Pologne : un autre exemple de démocratie « déficiente »

En Pologne, comme en Hongrie, le parti nationaliste Droit et Justice (PiS) de Jaroslaw Kaczyński, au pouvoir de 2015 à décembre 2023, a mis en œuvre des politiques qui ont transformé l’ancienne démocratie libérale en un système hybride. Plus précisément, le parti s’est attaqué à l’indépendance du pouvoir judiciaire, avec, par exemple, les deux projets de loi controversés adoptés par le Parlement le 15 juillet 2017. L’un visait à donner au ministre de la Justice le pouvoir de nommer et de révoquer les présidents des tribunaux, et l’autre permettait de mettre fin au mandat des membres du Conseil national de la magistrature et donner au Parlement (dominé par le PiS) le pouvoir de nommer ses remplaçants. Il y a également eu des attaques contre les médias indépendants, avec, par exemple, la loi adoptée le 31 décembre 2015 par le Parlement polonais donnant au gouvernement le pouvoir de nommer et de révoquer les dirigeants de la télévision et de la radio publiques. Une discrimination existe aussi à l’encontre des minorités, comme par exemple les personnes LGBTQ+, tout comme les atteintes aux droits des femmes.

Nous espérons une amélioration de la situation démocratique grâce au nouveau gouvernement, formé par la coalition libérale élue en octobre 2023 et assermentée en décembre 2023. Il a exprimé sa détermination à remettre le pays sur les rails de la démocratie, en faisant face à l’héritage de huit ans de populisme.

Quelle conclusion ?

Toutes les démocraties européennes ne sont pas légitimes. Certains pays ne sont que superficiellement démocratiques parce que, oui, le droit de vote existe toujours, mais il y a des réformes qui limitent les droits civils et politiques, ainsi que l’indépendance de la justice. De plus, le populisme est une des causes majeures à l’origine des démocraties défectueuses, puisque ce mouvement remet en cause l’État de droit et le libéralisme politique, comme c’est le cas en Pologne ou en Hongrie.

Ecrit par

Plus de news